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samedi 20 février 2016

France2022 : Des agricultures françaises (ou d'ailleurs) en crise, au bord du gouffre ou en deuil. Pourquoi ? Comment s'en sortir ?


En mémoire de Piotr Stolypine



 "Un bon roi applique ses sujets à l'agriculture."

Fénelon


"Le poumon et l'âme de notre pays, 
c'est son monde rural" (*)


"Le désarroi dans lequel nous nous trouvons 
est en fait une aubaine : 
il témoigne de notre sensibilité. 
Ceux qui traversent la vie 
sans le moindre sentiment de détresse sont inconscients. 
La détresse induite par notre prise de conscience
 recèle un immense potentiel de transformation, 
un trésor d'énergie 
dans lequel nous pouvons puiser à pleines mains 
et que nous pouvons utiliser 
pour construire quelque chose de meilleur, 
ce que l'indifférence ne permet pas."

JIGME KHYENTSE RINPOCHE (b. 1964)


"NPK, le cheval de Troie

La triste trilologie Azote (N) / Phosphore (P) / Potassium (K) 
qui fonde l'agriculture moderne
naît sans doute
de la première grande transgression
qui consiste à confondre
le monde vivant
avec le monde minéral.
Etablie par le chimiste Julius von Liebig au XIXème
et mère de l'usage des engrais de synthèse,
elle est souvent présentée
comme la panacée
et le secret d'une fertilité surabondante.
Elle est surtout, au lendemain de la Seconde guerre mondiale,
le cheval de Troie
qui a permis de reconvertir et de généraliser
l'usage des nitrates -
à l'origine dédiés aux explosifs de guerre -
et d'évacuer dans la foulée
compost et fumures organiques."

 La convergence des consciences, Le Passeur, 2016, p.136
Pierre Rabhi


 "Comme moi, 
ces paysans subissent une double peine :
aux problèmes de santé 
s'ajoutent des difficultés économiques.
En convalescence sur mon canapé,
je me prends à rêver d'un autre monde.
Seule une vraie révolution
du système de production agricole
pourra éviter à nos enfants,
ou aux jeunes venus des villes
qui prendront notre succession,
de connaître pareilles galères."

Un paysan contre Monsanton, Fayard, 2017, p. 269
Paul François

La différence entre la forêt et le désert, ce n'est pas l'eau, c'est l'homme.
La forêt précède les peuples. Le désert les suit.




En guise d'introduction : Céline Imart à TEDxToulouse et son contre point qui porte la contradiction : Claude Buchot.

Voir aussi la remarquable exégèse développée par Bernard Ronot dans : "De l'agriculture intensive à la biodynamie".

Où il sera question d'agriculture raisonnée, d'agroécologie, de permaculture, d'agroforesterie et, en particulier, d'agriculture syntropique, d'aquaculture durable, de biodynamie, d'agriculture de conservation ... comme autant de réponses aux défis contemporains en matière d'agriculture et d'aquaculture.

Au point de départ, une nature généreuse même s'il lui arrive d'être hostile, sans pour autant manifester une intention belliqueuse à l'égard de l'homme : ses réactions, ses débordements, ses bouleversements sont d'abord l'expression de la régulation de son homéostasie. La nature maintient son état d'équilibre dynamique par des changements lents et imperceptibles mais aussi par de brusques mouvements qui résultent d'une accumulation de tensions, de surcharges ... Les cataclysmes qui se produisent alors peuvent causer des ravages dans un premier temps puis, dans un second temps, vient une période bénéfique d'apaisement, d'accalmie et même de prospérité. Ainsi en est-il par exemple des crues lorsqu'elles apportent des sédiments fertiles aux terres en bordure de fleuves après avoir tout ravagé sur leur passage ; des incendies de forêt artificielle (une forêt primaire ne brûle pas en raison de l'humidité régnante) ; des éruptions volcaniques, ...

Au commencement, le ciel et la terre, l'eau et le soleil, des semences à profusion, le travail de l'homme et de la femme, admirablement secondés par les animaux et ... leurs enfants ... perçus comme des bouches à nourrir ... en vue d'un service en retour.

Un paradis ? Voire !

Bien vite (?), les choses se sont déréglées. A qui la faute ? C'est une autre histoire. Nous verrons que chacun d'entre nous a sa part de responsabilité.

Grand bond en avant : nous sommes au XXIème siècle. Interrogation lancinante qui sera l'objet de cette tribune : comment se fait-il qu'aujourd'hui, des hommes et des femmes n'arrivent plus à vivre du travail de la vigne et de la terre, d'élevages ou de cultures, en France et ailleurs ?

La France, notre patrie, aurait-elle perdu ses mamelles : labourages et pâturages ? Ne serait-elle plus apte à nourrir ses enfants ? Après avoir perdu récemment (à partir de l'an 2000) plusieurs milliers d'hectares de vergers en quelques années (soit une baisse de 20% à 25%), la France sera-t-elle capable de renverser cette tendance suicidaire ?

Pour quelles raisons, le travail de la terre qui repose in fine sur des dons : l'énergie gratuite du soleil, l'eau gratuite de la pluie, des sols fertiles offerts largement par notre planète terre, des semences en vois-tu en voilà, les trésors de savoir-faire librement disponibles accumulés par des générations mais qui nécessitent un travail patient, précis et généreux pour être bien transmis ... pour quelles raisons, ce travail de la terre est-il devenu si diablement (il n'y a pas d'autres mots plus justes en l'occurrence) déficitaire et peu rémunérateur pour certains parmi ceux qui sont au plus près des sols et du terrain ?
 
Il y a là une énigme qu'un projet présidentiel, en France et ailleurs, digne de ce nom, ne peut éluder ou pire, ne pas tenter de résoudre, même de façon imparfaite. Si certains en doutaient encore à la date de l'ouverture de cette tribune, ils savent maintenant que lors de l'ouverture du Salon de l'Agriculture à Paris, le 27 février 2016, le Président de la République a fait les frais de l'exaspération croissante du monde agricole. Une première, un comble et un sérieux avertissement pour qui s'était mis dans le sillage d'un prédécesseur, souvent accueilli en héros, dans l'enceinte du Parc des Expositions à la Porte de Versailles.

Première approche : où sont les criminels, les profiteurs de ce système ubuesque, les prédateurs ?

Deuxième approche : les malfaiteurs sont partout. Inutile de vouloir les pourchasser tous. Trouvons les meneurs et mettons-les au pas.

Troisième approche : c'est la voie du milieu. Cherchons des remèdes sains et même saints qui redonneront ses lettres de noblesse à l'une des activités humaines essentielle et prodigieuse, à l'un des fleurons de la Gaule puis de la France.

Quelle que soit l'approche choisie - elles sont légions : vues historiques, études d'une région, d'une filière, d'une culture, d'un processus, d'un marché ... - gardons-nous des caricatures simplistes, des accusations stupides et de bien d'autres maux qui ne font qu'empirer les choses.

Soyons à la fois magnanimes et très humbles de coeur. Gardons les pieds sur terre pour agir avec prudence, justice, courage et force d'âme, tempérance et maîtrise de soi.  

Surtout, ne nous arrêtons pas en chemin, n'abdiquons sous aucun prétexte, ne renonçons jamais au désir et à la possibilité de rendre nos agricultures prospères, pour le plus grand bien de tous. Bien pensées et bien conduites, elles le deviendront ... sauf si nous laissons quelques prédateurs se servir au passage sur leur dos et au détriment du plus grand nombre, sauf si nous laissons perdurer des systèmes agraires qui sont fortement déficitaires sur les plans de la matière et de l'énergie car de mauvais choix culturaux, la déforestation, l'ignorance des mécanismes du vivant, l'usage de poisons pour les abeilles (cf. pétition) entraînent d'innombrables agriculteurs dans une impasse redoutable sur des sols qui s'appauvrissent au fil des ans et au coeur d'écosystèmes dévastés.

Notons d'emblée que la situation est complexe et qu'il vaut mieux parler au pluriel qu'au singulier : il n'y a pas une seule agriculture mais des agricultures françaises. Si certains agriculteurs s'en sortent bien et même fort bien, d'autres peinent beaucoup.

N'oublions pas non plus qu'au fil du temps, ceux qui travaillent la terre se sont peu à peu affranchis d'une tutelle de proximité - les seigneurs féodaux - pour en rencontrer de nouvelles comme le pouvoir des banques. Si de nombreuses situations actuelles sont dramatiques, il ne faudrait pas idéaliser la condition de tous ceux qui ont donné leur vie pour que la terre produise des aliments, des médicaments, ... des matières premières pour le textile ou encore du combustible et des matériaux de construction (bois). Au cours des siècles, cela s'est fait dans des conditions parfois très difficiles en raison de multiples sources d'instabilité et d'incessantes tentatives d'exploitation des uns par les autres : invasions, guerres et pillages, épidémie, incidents climatiques, ... En raison aussi de manque d'hygiène dans les cultures, par ignorance. L'ergotisme en est un exemple célèbre.

D'où une première question : pourquoi est-il si difficile d'être vraiment libre quand on choisit de travailler la terre ou la mer ? On l'est certes en apparence dans le choix de ses activités au jour le jour, du moins quand ne commandent pas des impératifs tels que les saisons, le climat, la météorologie, l'état du sol et les besoins d'un troupeau, l'urgence d'une réparation, des commandes à honorer, la disponibilité d'un fournisseur, un traitement phytosanitaire incontournable, une taille indispensable, un vol de matériel, un accident, un naufrage ... impératifs ou incidents qui, au final, réclament une excellente organisation du travail puisqu'il faut à la fois anticiper le pondérable et faire face à de lourds aléas imprévisibles. Est-il d'ailleurs possible, dans ces conditions, de travailler comme ceux et celles qui n'ont pas à faire face aux mêmes défis ?
 
Intéressons-nous justement à tous les autres, la plupart d'entre nous, ceux qui s'en remettent aux agriculteurs et aux éleveurs pour assurer la disponibilité de la matière première de leurs repas et de leurs vêtements (coton, lin, chanvre, ...) quand ce n'est pas de leurs déplacements (carburants d'origine agricole) (*). S'ils vivent en ville, ils sont coupés d'une réalité qui leur échappe et qu'ils peuvent difficilement connaître de manière intégrale : ils sont d'accord pour que soient exposées de belles bêtes dans des parcs ou des salons mais ils seraient sans doute horrifiés de les découvrir vivant maintenant, en de nombreux points du globe terrestre, entassées par milliers sous des tunnels pour les plus petites ou chacune dans un espace étroit pour les plus grandes. Ils seraient surpris par le bruit de tout ce monde agglutiné, par les odeurs fortes, ... et pourraient-ils tenir le choc d'un bout à l'autre de la chaîne : de l'insémination et des traitements au conditionnement, en passant par le vêlage, le transport et l'abattage ? (Voir : une vache s'échappe sur le chemin de l'abattoir et met bas deux jours après).

(*) Carburants agricoles dont la production pose davantage de problèmes qu'elle n'en résout (partout et notamment au Brésil) et qu'une transition des filières de transport vers l'électrique rendrait obsolète à condition de sortir la tête haute d'une peur irraisonnée du nucléaire civil, à condition aussi d'établir une industrie des piles et batteries non polluantes, non gourmandes en minerais rares, non facteurs d'esclavage ...

Qui désire connaître la réalité de manière intégrale ? Quel est celui d'entre nous qui accepterait de voir les choses telles qu'elles sont ? Qui pourrait les voir toutes sans frémir ? Sans succomber à un stress de lutte, d'inhibition ou de fuite ? Tout au long d'une chaîne où se côtoient le pire et le meilleur, seuls ceux qui, par la force des choses, se sont accoutumés à l'insupportable pour le commun des mortels, sont aussi capables de tenir le choc qui permet à la société tout entière de ne pas s'écrouler. 
 
L'insoutenable s'est immiscé en maints endroits : traitements très toxiques pour le sol (cf. pétition à la Commission européenne pour interdire l'usage des pesticides de la classe SDHi), les micro-organismes, les animaux, les plantes et les êtres humains ; concentration excessive d'une même espèce ou d'une même variété en un lieu donné ; ... Les conséquences sont rarement immédiates. Elles se révèlent au fil du temps et parfois bien loin de la source de pollution, de désordre ou de mort. Aussi : traitements (insecticides, antifongiques, ...) à la hache des stock, notamment de céréales en raison de frayeurs justifiées (voir à ce sujet la question de l'ergotisme par exemple) ou pas. 

Il est tentant alors d'accuser tel ou tel acteur, de le désigner à la vindicte de tous les autres, d'en faire le responsable de tous les maux. Tentation absurde qui ne tient aucun compte de l'intrication des comportements des différents acteurs : consommateur final, multiples intermédiaires, producteurs, agents publics et privés, firmes internationales ... et tentation qui oublie un peu vite les terreurs (pas seulement médiévales) qui ont traversé de tous temps des populations décimées par des intoxications alimentaires.

Avant même de rechercher des coupables, essayons de comprendre comment les situations de nos agriculteurs ont pu à la fois se dégrader fortement et, ne l'oublions pas, pour certains, s'améliorer grandement. Ne voir qu'un aspect de la question serait s'enfermer dans une logique stérile ou délétère dont les conclusions seraient complètement fausses.
 
Chaque agriculture a ses besoins propres et ce qui convient à l'une ne sied pas toujours à l'autre. Idem pour chaque plante : les unes ont besoin d'ombre, d'autres de davantage d'ensoleillement. Un truisme ? Quand on voit comment la permaculture (*) et l'agriculture syntropique (**) se sont développées ou se développent avec succès (pas encore assez en France) en tenant compte de cette donnée lumineuse (et de bien d'autres, révélées par une observation minutieuse des systèmes naturels), on peut s'interroger : ne serait-il pas temps d'observer davantage les modèles que nous offre encore (mais pour combien de temps ? ) la nature ?

(*) Eric Escoffier, interviewé par Thierry Casasnovas en donne ici une illustration magistrale : "10 bonnes raisons de ne pas faire de potager" (vidéo de 20 minutes). Titre volontiers provocateur pour nous inviter à réfléchir et à revoir nos drôles de façons de nous comporter à l'égard du végétal "sauvage". Qui est le sauvage dans cette histoire ?

(**) Initiée par Ernst Götsch, scientifique suisse, dans la région de Bahia au Brésil, l'agriculture syntropique (tendre comme le vivant naturel vers la complexité et l'organisation dynamique pérenne) a permis de rendre 500 hectares de désert de nouveau fertiles, non seulement en nombre mais aussi en qualité.

Chaque territoire a des caractéristiques dont il faut tenir compte pour éviter de transposer, maladroitement et en pure perte, telle ou telle solution "miracle".
  
La multiplicité des terroirs, des traditions, des besoins ... ne doit pas cacher que la course au gigantisme inaugurée après la seconde guerre mondiale aura empêché nos agricultures de se moderniser de façon idéale, c'est-à-dire de profiter au mieux des progrès énergétiques, mécaniques, chimiques ... sans pour autant déséquilibrer en profondeur les exploitations agricoles. Disposant d'outils révolutionnaires, d'une grande puissance de travail et de moyens d'intervention inconnus jusque-là, nos campagnes, le littoral français et les fonds marins ont connu des bouleversements trop rapides et dangereux pour l'équilibre de tous : les hommes et les femmes au travail, les relations familiales et sociales, la faune, la flore, les écosystèmes. Beaucoup de familles ont payé un tribut très lourd : suicides, alcoolisme, enfances saccagées, empoisonnements, cancers, ruines, patrimoines à l'abandon ou profondément détériorés ...
 
Malgré la tendance de fond qui animera de plus en plus les bassins de consommation : diminution de la consommation de viandes, de produits laitiers, de graisses de mauvaise qualité, ... ; choix d'une alimentation plus végétale et moins transformée ... , le plus terrible est de voir que certains prônent encore une diminution du nombre d'exploitations, une concentration plus forte des mono-productions et des agrandissements de surface alors qu'il est possible de nos jours de faire la preuve que cette orientation est vouée à l'échec à tous points de vue : économique, sanitaire, écologique ; alors qu'il est possible, a contrario, de faire la preuve que des terres cultivées ou des fonds marins gérés à une échelle familiale ou entrepreneuriale et selon des techniques bien éprouvées offrent un revenu appréciable (voir l'exemple de la ferme du Bec Hellouin - vidéo ou la production d'algues au large du Finistère en Bretagne - vidéo).

Aveuglement stupéfiant de quelques-uns qui raisonnent encore en termes de rendements purement mécaniques à l'image de ceux qui imposent aux entreprises une rentabilité excessive au seul bénéfice de quelques dirigeants et actionnaires et qui sont prêts à sacrifier des millions de vies humaines ou des infrastructures lentement édifiées sur l'autel de leurs calculs seulement monétaires. Il faut au contraire revenir à des tailles d'exploitation de dimension familiale pour offrir beaucoup plus d'emplois viables et intéressants qu'à l'heure actuelle. (Voir en particulier le projet "Fermes d'avenir" à propos du maraîchage fondé sur les principes de l'agroécologie et de la permaculture. Il faut également passer d'un raisonnement et d'un calcul en 2D à un travail en 3D
 
Dès que le vivant est en jeu et pris en compte, une bonne part du travail de la terre ou de la mer échappe à la mesure, à la prévision exacte, aux lois simplistes, fixistes et rigides, non pas que cet arsenal physique soit à mépriser ou à négliger mais parce qu'il ne suffit pas. Il faut y adjoindre un très grand sens de l'observation, une excellente connaissance des conditions d'application de telle ou telle loi, une perception très fine du terrain et de l'environnement, l'humilité qui commande de favoriser et de respecter les auxiliaires vivants mis à notre disposition par la nature, la patience, la souplesse, l'intuition, l'entraide, l'admiration pour les trésors légués par les traditions solides à l'opposé des innovations hasardeuses ou calamiteuses proposées par des apprentis sorciers qui s'en sortiront par un " ni responsables, ni coupables ! " ...

Force est de constater qu'aujourd'hui en France, beaucoup de sites de production agricole ont été poussés à s'éloigner de plus en plus de modes respectueux de l'équilibre dynamique des populations d'auxiliaires. A l'heure où nous poursuivons cette tribune, le Parlement français a toutes les peines du monde à répondre efficacement aux défis posés par l'hécatombe de l'un des auxiliaires les plus précieux : l'abeille. Multiplier les ruches en ville ne peut suffire à endiguer un phénomène très inquiétant pour qui sait le rôle majeur que joue cet insecte hyménoptère et pollinisateur. Tergiverser sur l'interdiction de produits toxiques n'est pas de nature à préserver la santé des hommes qui sont à leur contact ou à enrayer la destruction massive d'un auxiliaire indispensable à la vie des hommes. (signer la pétition à la Commission européenne pour interdire l'usage des pesticides de la classe SDHi)

Nos agricultures françaises sont victimes depuis de nombreuses années de courants libertaires, liberticides, fratricides, parricides et mortifères : libertaires, ils laissent libre cours aux expérimentations les plus fumeuses, aux transpositions les moins adéquates, ils tolèrent les comportements les plus odieux ; liberticides, ces courants tendent à vouloir uniformiser, normaliser, tout contrôler, tout réglementer ; fratricides, ils montent les hommes les uns contre les autres et leur font oublier qu'ils sont solidaires dans le temps et dans l'espace, qu'ils sont incapables d'oeuvrer de manière juste en se coupant des autres, contemporains du même âge ou d'une autre génération, ancêtres de toute condition ; parricides, ils ne jurent que par la seule modernité au mépris de toute tradition, ils s'acharnent contre toute perpétuation, ils vomissent toute idée de patrimoine ou de transmission et ne raisonnent qu'en terme de flux ; mortifères, enfin, ils prônent la destruction massive tous azimuts, la déconstruction radicale, l'anéantissement, l'élimination ou la stérilisation.

C'est ainsi que nos campagnes, nos agriculteurs, nos éleveurs, nos artisans et ouvriers ruraux ou marins en France ont été peu à peu étouffés, étranglés, marginalisés, broyés par des politiques conduites en dépit du bon sens, insouciantes de l'avenir, irrespectueuses du passé, de ses traditions les plus glorieuses, de ses réalisations prodigieuses, de ses réussites exemplaires, de ses atouts incontestables. Ceux qui sont au plus près de la terre et de l'océan ou de la mer, du réel et de ses paramètres innombrables, ont été dépossédés et déboussolés par des idéologues en chambre, des théoriciens simplistes, des prédateurs aux griffes acérées, des voisins indélicats, des marchands de soupes mortifères, des affairistes obnubilés par les jeux spéculatifs,  des financiers en mal de gains frauduleux, des politiques incapables de discernement, de mesure et de pondération, de réflexion à long terme. Le drame est que chacune de nos familles, par ses membres plus ou moins lointains, a participé à ce désastre sans nom, faute de connaissance, faute de courage parfois, faute d'intérêt le plus souvent.
 
Il ne faudrait donc pas chercher quelques coupables faciles. C'est une nation tout entière qui s'est laissée berner par des mirages venus d'ailleurs ou qui s'est laissée tromper par ses propres aveuglements. Tant que la France et d'autres pays, censés orienter la marche du monde en raison de la puissance qu'ils ont acquises au fil des siècles, tant que ces peuples ne reprendront pas conscience que le travail du sol, de la terre, de la glèbe, de l'océan et de la mer, la production de nourriture sont des activités parmi les plus nobles du genre humain ; tant que nous n'aurons pas pris la pleine mesure des défis innombrables que pose de telles activités, tant que nous n'aurons pas une conscience vive et acérée de leur noblesse, nous bâtirons sur le sable et toutes nos constructions artificielles seront tôt ou tard balayées par des incidents climatiques, sanitaires, terrestres, maritimes ... ou par des conflits de toute nature.
 
Dire ce qu'est l'homme en vérité n'est pas une mince affaire mais oublier qu'il fut institué gardien d'une planète et noble intendant de ses trésors, c'est, à coup sûr, foncer droit dans le mur et courir à la catastrophe. Le relèvement de la France passera nécessairement par une redécouverte de sa mission terrestre et même spirituelle : certainement d'être un phare en matière d'agriculture et d'élevage, de pêche et d'aquaculture, tout comme d'autres pays européens ou plus lointains.

Le projet France2022 a pour ambition de relever nos campagnes et nos littoraux du désastre provoqué par des politiques beaucoup trop citadins, mondains ou préoccupés de gloire nationale pour daigner se pencher sur eux et pour connaître leurs véritables besoins ; pour identifier les priorités du moment et pour penser à leur avenir ; pour lutter avec détermination et courage contre les modes farfelues ou les courants destructeurs ; pour défendre la vie des plus humbles et des plus faibles avec le courage requis, avec cette intelligence du réel qui cherche non à le soumettre à une volonté désordonnée ou à des modèles censément incomplets mais à le connaître toujours mieux par l'observation attentive, l'expérimentation rigoureuse, la réflexion approfondie et l'action judicieuse ; qui cherche moins à éliminer les facteurs de trouble qu'à ne pas les générer par son inconduite ou par ses appétits démesurés. 

Une voie prometteuse pour chacun d'entre nous est de s'intéresser de très près aux initiatives qu'ont lancées depuis des années ceux qui avaient pris conscience des insuffisances et des dangers de certains modèles d'agriculture en place ou imminents. Des pionniers courageux, souvent malmenés par des autorités à la solde de quelques groupes influents, ont pris le temps de réfléchir, d'observer, d'expérimenter d'autres modes de culture et d'élevage en s'appuyant sur des savoirs traditionnels tout en innovant chaque fois que cela pouvait apporter de réelles améliorations et non pas des gains apparents à très court terme, bientôt remplacés par des préjudices difficiles à réparer : détérioration des sols ou des fonds marins, sécheresse, perte d'auxiliaires, faiblesse nutritive des produits, ruine financière, très graves accidents de santé, ...

Les exemples de réussite à imiter existent. Il suffit de bien vouloir en prendre connaissance sans suspicion a priori et l'esprit largement ouvert. Il suffit de regarder, d'entendre, d'apprécier à leur juste valeur les acteurs d'une résistance, pacifique et courageuse, aux groupes d'influence qui déploient leur puissance de nuisance avec une frénésie sans bornes, une malhonnêteté redoutable et une mauvaise foi sans nom : la seule chose qui leur importe est de distribuer leurs poisons et leurs impasses au plus grand nombre (voir par exemple "Le livre noir de l'agriculture" d'Isabelle Saporta). Ils raisonnent en chiffre d'affaire et n'ont cure des dégâts planétaires qu'engendre ce qu'ils promeuvent. Pour vaincre cette puissance délétère, il s'agit pour chacun d'entre nous d'adopter les bonnes habitudes qui permettront de retourner une situation parfois dramatique et souvent inquiétante. 
 
Pour que les champs et les littoraux de France produisent ce qui est sain pour l'homme et pour son environnement, chacun d'entre nous peut examiner, avec lucidité et sans parti pris grossier, sa façon de consommer. Il découvrira peu à peu des choses étonnantes : voir par exemple le site du palper rouler thérapeutique (comment agir sur la structure du corps humain pour en améliorer ses fonctions) et "Mastiquer c'est la santé !" de France Guillain. La réforme qu'il entreprendra pour lui-même et les siens aura une influence déterminante sur nos agricultures françaises car, même s'il est possible d'identifier quelques coupables notoires et de parvenir à limiter leur pouvoir de nuisance, rien ne vaut une action patiente et solide de ceux qui, par leur nombre, détiennent un fort potentiel d'inflexion et de changement valable.

Au premier rang des "combattants" et des "résistants" pour l'avènement de nouveaux modes agricoles ou aquacoles figurent les plus nombreux, tous ceux qui se situent en bout de chaîne : les consommateurs d'aliments et de tous les produits issus de la terre ou de la mer. En réformant en profondeur ses modes de consommation, sans verser dans des comportements excessifs, c'est-à-dire en restant capable d'apprécier les bienfaits ou les nuisances occasionnés par tel ou tel changement, en gardant l'esprit ouvert et en sachant être critique quand il le faut, chaque consommateur contribue à provoquer des réactions en chaîne qui ont une influence décisive sur ce qui se passe en amont : production, acheminement, transformation et distribution des denrées alimentaires.

L'un des noeuds difficile à défaire en matière d'agriculture tient au marasme économique entretenu par des politiques imbéciles : pressé de tous côtés par des charges qui ne cessent de s'alourdir tandis que ses ressources tendent à diminuer, chacun de nous risque d'avoir la tentation de rogner la part de son budget dédié à la nourriture et de rechercher systématiquement le prix le plus bas. Des personnes en grande difficulté n'ont même, au premier abord, pas d'autre choix (ce qui ne contredit pas le constat des sociologues et des économistes selon lequel dans les foyers les plus pauvres, la part du budget consacré à l'alimentation croît avec l'augmentation de la misère).

En admettant qu'il puisse en être autrement, qu'il soit possible de préférer une qualité supérieure, quitte à réduire les quantités, il est malheureusement difficile de trouver son chemin au milieu des messages innombrables, changeants et contradictoires d'une multitude d'émetteurs plus ou moins spécialistes de la nutrition. A quel saint se vouer ?

Après des années d'hésitation, de pis-aller, il apparaît de plus en plus nettement que se défier du sein maternel, pour les hommes comme pour les bêtes, est l'une des sources majeures de dérèglement de nos agricultures françaises. Sous la pression d'industriels peu scrupuleux, sous la pression d'une société devenue folle, de nombreuses mères n'ont pu résister à l'attrait d'une facilité apparente : remplacer les trésors du lait maternel par des substituts douteux et nocifs quand ils ne sont pas toxiques ...

S'ouvrent ainsi au moins cinq lignes de front :
 

     * l'allaitement maternel (voir par exemple ce qu'en dit l'INPES) ;
     * le travail des femmes ;
     * la nutrition des pères et des mères ;
     * la nutrition des enfants ;
     * la nutrition de tous.
  

Cinq lignes de front indissociables de l'un des axes majeurs du projet France2022 : la réduction drastique des avortements provoqués et leur quasi-disparition sur le sol français. Voir à ce propos : abolition de la peine de mort pour les tout petits en gestation.
 


Séparer l'avenir des agricultures françaises de la question de fond de l'IVG et des sujets qui s'y rattachent ne conduirait à rien de solide et de pérenne car lorsqu'une nation tout entière consent à un suicide collectif, il est inutile de vouloir redresser un pilier qui s'effondre sans tenir compte de tous les autres.

Les interactions sont si fortes qu'il n'est pas interdit de penser qu'en sens inverse, nos agriculteurs et nos éleveurs, et plus largement tous ceux qui sont impliqués dans les champs de la nutrition, de la santé et de l'utilisation (y compris énergétique) de la biomasse, ont un rôle prépondérant à jouer pour venir à bout de ce fléau des temps modernes : la mise à mort massive de près d'un quart de chaque génération montante en France. Les agriculteurs de France sont en effet, selon l'heureuse expression du Professeur de médecine Henri Joyeux, parmi les premiers acteurs de santé.

En proposant de nouveau une alimentation vivante et saine, des produits respectueux des grands principes homéostatiques du corps humain (voir à ce propos le livre du docteur Bernard Jouanjean : "Physiologie du risque face à l'Histoire") , l'esprit des hommes et des femmes de ce temps se convertira au respect de toute vie humaine (cf. le livre "Nascituri te salutant !" de Jean-Marie Le Méné), qu'elle soit prometteuse, menacée, faible (voir aussi "Eloge de la faiblesse" d'Alexandre Jollien), fragile ou gravement handicapée (voir par exemple : la "Fondation Lejeune") car l'être humain ne souffre pas seulement d'un environnement pollué mais il génère lui-même, par les désordres de son esprit, par un cerveau anémié et mal nourri, des pensées et des actions qui retentissent défavorablement sur son milieu et qui, en retour, perturbe ses fonctions mais aussi la structure même du corps tout entier.

Si nous voulons que nos agricultures françaises se déploient à merveille et que chacun soit respecté à sa place et dans son rôle, il nous faudra agir avec intelligence, lucidité et courage sur l'une des boucles cybernétiques en laquelle l'intrication des données et des programmes est telle que tout grain de sable vient aussitôt perturber gravement la marche de systèmes assujettis les uns aux autres. Penser que la mort d'un enfant à naître est préférable à son maintien en vie est l'un de ses grains de sable, d'apparence anodine pour certains, qui déséquilibre depuis plus de quarante ans la marche de la France lui donnant cette allure claudicante qui fait la risée des mauvais esprits tandis qu'elle attriste ceux qui savent qu'elle sortira un jour de cet état pitoyable, à condition d'en prendre conscience.

Que faire d'abord ? Sinon sortir au plus vite de l'enfer engendré par tous les relents du malthusianisme : ne plus laisser proférer la sottise consistant à dire que l'humanité est déjà trop nombreuse sur la planète terre et qu'il faudrait limiter les naissances, y compris par des mutilations et des mesures traumatisantes pour le corps des femmes. Les naissances doivent au contraire être favorisées. D'une part en faisant redécouvrir le prodige qu'elles représentent et signifient ; d'autre part en veillant à leur offrir les conditions aussi idéales que possible d'un accueil reconnaissant et responsable. En pratique, il convient d'alléger au maximum les charges pesant sur le travail des parents en faisant en sorte que père et mère puissent vivre décemment de leur travail, qu'il soit modeste dans l'ordre humain ou qu'il y paraisse "supérieur" à une époque donnée. Il convient aussi de favoriser tout ce qui permet aux familles de se loger, de se nourrir et de vivre sans avoir à mettre en péril leur unité, leur joie d'être, leur stabilité, leur viabilité et leur fécondité. Voir à ce propos la tribune : "Création d'une monnaie de service et d'abondance".

Les êtres humains peuvent en effet être beaucoup plus nombreux sur la planète Terre qu'ils ne le sont aujourd'hui, à condition de veiller à une bien meilleure répartition de la population : d'une part, enrayer l'exode rural (phénomène stabilisé en France mais pas dans les grands espaces en fort développement comme l'Inde, la Chine ou l'Afrique) et renverser la tendance extrêmement dangereuse qui consiste à entasser des millions de sans-emploi dans les villes et à leur périphérie ; d'autre part limiter la périurbanisation galopante qui étend l'habitat de manière anarchique sans se préoccuper de l'équilibre local entre production et consommation ; sans même se soucier de sauvegarder les terres ou les littoraux les plus fertiles voire en les sacrifiant, comme en région parisienne, sur l'autel d'un consumérisme de loisir pour ceux qui ne savent plus se distraire autrement qu'en dépensant leur superflu ou leur nécessaire.

Cette inversion des deux tendances de fond qui fragilisent les campagnes dans le monde proviendra d'un retour à la terre bien préparé. Les ingrédients de ce mouvement sont simples : réduction de la surface moyenne des exploitations et passage d'une approche en 2D à une perspective en 3D ; modernisation intelligente par une alliance très précise de pratiques ancestrales de grande valeur, de découvertes récentes et de techniques variées, diversification des cultures et des élevages en veillant à leur complémentarité sur un même territoire ; productions de saison aussi peu artificielles que possible ; sortie d'un individualisme effréné, non par un collectivisme tyrannique mais par une mise en réseau des acteurs fondée sur l'entraide, la gratuité, le partage d'expérience et de bonnes pratiques. Le développement de la Toile est aujourd'hui en mesure d'accompagner ce mouvement de retour à la terre ou à la mer de tous ceux qui ont compris qu'habiter en zone périurbaine comme citadin coupé de la terre ou de la mer, en ville voire dans une grande métropole n'est pas la seule planche de salut au XXIème siècle.

En pratique, le projet France2022 prévoit d'encourager par des mesures incitatives tous ceux qui voudraient relever le défi de conjuguer le travail de la terre et/ou de la mer selon un cahier des charges à définir à partir de modèles existants et un complément d'activité leur permettant de se protéger des aléas de tout travail au contact du vivant et d'une terre ou d'une mer qui est généreuse mais de manière fluctuante. Ce cahier des charges insistera sur deux points clefs : d'une part, tendre pour chaque exploitation de taille modeste (entre 10 hectares et quelques dizaines d'ares) vers une autonomie maximale d'approvisionnement sans perdre de vue la complémentarité agronomique inter-exploitation ; d'autre part, veiller à la synergie des productions au sein d'une même exploitation, notamment en combinant de manière précise et même savante, les cultures et les élevages afin d'obtenir des produits de très haute qualité nutritive et possédants d'excellentes propriétés organoleptiques.


Voir notamment les travaux de recherche de l'IRABE ; les écrits et pratiques culturales de Joseph Pousset ainsi que sa présentation du triple défi aujourd'hui pour les agriculteurs ; les mises en oeuvre et les écrits d'André Pochon ; les principes de la permaculture et les livres de Pierre Rabhi ; le travail inlassable au risque de l'excès (?) de Claude et Lydia Bourguignon qui exposent là leur travail d'observation à propos de la décomposition du bois (vidéo 4 min). ... en dépassant les querelles d'égos ou de chapelles et en suivant avec intérêt les remises en cause de la génération montante (vidéo de Franck Nathié - 9 min) ... elles-mêmes vivement confirmées ou contestées dans les commentaires ! L'apprenti jardinier ou cultivateur, le travailleur du sol, l'agriculteur finira par trouver le repos en prenant connaissance des méthodes de Dominique Soltner, ici illustrées sur son terrain et dans le potager d'une agricultrice : vidéo de 7 min ; en regardant le témoignage instructif de Christian Abadie dans le Gers en présence de Stéphane Le Foll (vidéo 9 min) ou en s'intéressant de près au semis direct sous couverture végétale (SCV) mis en oeuvre avec succès depuis plus de trente ans au Brésil par l'agronome Lucien Téguy.

Incise ci-avant pour ceux qui voudraient explorer quelques pistes et pour d'autres qui trouveront au moins là ... un os à ronger, de quoi se faire les dents et de quoi cesser d'aboyer au passage de la caravane !

Les mesures incitatives relèveront du gouvernement de chaque territoire : les municipalités et les provinces. Il est capital en effet de favoriser une très grande souplesse des dispositions pour sortir de l'enfermement stérile d'orientations européennes ou nationales qui raisonnent en grande masse, à trop grande échelle, sans tenir compte de la diversité des situations et qui tendent à imposer un modèle unique où dominent le gigantisme, la concentration et l'industrialisation alors que nos agriculteurs ont besoin, au contraire, de revenir, pour la noblesse, l'efficacité et l'intérêt de leur métier, à des modèles multiples et parfaitement en accord avec les ressources, les contraintes et les défis du terrain dont ils sont les intendants, sans craindre d'agir à contre-courant et de s'opposer à des forces qui visent à réduire à néant leurs louables efforts.

Favoriser la diversité des mesures et leur meilleure adéquation aux contextes locaux n'empêche pas de définir de grands axes nationaux et provinciaux. Nous disposons en effet d'un appareil statistique très développé qui permet d'appréhender les phénomènes à différentes échelles, dont celle de l'ensemble du territoire français, aujourd'hui déficitaire en matière d'agriculture et donc d'auto approvisionnement, un comble pour un pays à vocation agricole et aquacole. Il suffit d'examiner les données disponibles pour s'en rendre compte. Ainsi en est-il par exemple des légumineuses, un maillon pourtant essentiel, dont la culture devrait figurer, aussi souvent que possible, en tête d'assolement ou même en culture simultanée, pour leur apport en azote bio-disponible par la voie symbiotique sans oublier les possibilités de la voie non symbiotique (décomposition de matière organique, principalement en surface mais aussi en profondeur lorsque des arbres sont plantés) ainsi que pour leur faculté d'amélioration de la structure du sol.

Un axe majeur de la rénovation agricole prévue par le projet France2022 s'appuie sur le principe économique bien connu et pourtant maintes fois oublié : se préoccuper d'abord du marché intérieur avant de vouloir conquérir des marchés plus lointains. Si la demande de matière première issue de la terre était faible, il ne serait pas idiot d'essayer d'être leader dans certains compartiments agricoles (par exemple la production de céréales) puisque cette position dominante permet d'imposer ses propres conditions aux autres acteurs mais, en l'état actuel et, fort probablement pour l'avenir, l'offre de produits agricoles de qualité peine et peinera à satisfaire la demande. Ce qui devient primordial désormais c'est l'aptitude de la production agricole à répondre de manière adéquate à une demande qui oriente la production vers la préservation de la santé du milieu et des hommes.

Faute d'avoir compris les tendances de fond de la demande et les préoccupations contemporaines, nos agricultures françaises ont pris du retard et nos producteurs en paient aujourd'hui le prix fort : il ne s'agit plus de produire des quantités de plus en plus élevées (même si cela reste tout à fait possible, par exemple en agriculture de conservation ! ), en mettant en péril les sols, la faune, la flore et la santé des hommes ; il s'agit de produire à proximité des bassins de consommation une nourriture de très grande qualité, à moindre coût et en préservant, sinon en améliorant, le patrimoine naturel requis.

Pour cela et selon la nouvelle organisation territoriale prévue dans le projet France2022, la France a besoin non pas d'un seul Ministre de l'Agriculture mais d'un tandem national et d'un millier de "ministres" municipaux ayant en charge les productions locales d'une municipalité, non seulement agricoles et aquacoles mais de toute nature, veillant à développer la vitalité du système d'auto approvisionnement de la municipalité, rassemblement de plusieurs cités sur environ 500 kilomètres carrés et première république au niveau exécutif selon le modèle de gouvernement et d'administration du territoire que le projet France2022 prévoit d'instaurer en début de mandat présidentiel (2022) de consolider tout au long des années 2022 à 2027 d'abord sous la forme d'une mission pilote puis par essaimage.

Le nombre de "mille" ministres des productions locales, sorte de surintendants, peut faire sourire ou jaser mais dans un monde contemporain aussi perturbé, nous ne sortirons indemnes et prospères qu'au prix d'une mobilisation et d'une coordination optimales des hommes en charge des approvisionnements vitaux : eau, énergie, nourriture, ... Mobilisation que le projet France2022 prévoit de renforcer par la création d'une monnaie nationale de service et d'abondance permettant de financer des actions pilotes sans peser sur des finances publiques au bord du gouffre et sans gêner la sphère des entreprises privées déjà trop fortement imposées.


Comme il existe aujourd'hui des plans de prévention des risques majeurs, un plan d'approvisionnement local doit prévoir et suivre en temps réel les entrées et les sorties de chaque territoire pour assurer leur bon équilibre ainsi que leurs conditions d'obtention. Renoncer comme nous le faisons trop souvent aujourd'hui à subvenir aux besoins des populations en oeuvrant au plus près de leur habitat, c'est faire peser sur elles un risque de plus en plus lourd : au moindre dérèglement d'un système trop centralisé et trop délocalisé, de vastes territoires risquent soudain d'être pris en otage ou plongés dans un immense chaos. Fermer les yeux sur les modes opératoires fortement destructeurs de l'environnement et des hommes c'est aussi prendre le risque d'aboutir à des situations intenables (à ce sujet voir l'exemple des approvisionnements en huile de palme générateurs de la destruction des forêts primaires en Indonésie au sein même d'un processus qui se voulait pourtant tout à fait propre et respectueux de l'environnement - vidéo de 1h30 rencontre de Gunter Pauli avec des élèves de Polytechnique en 2018 et complément scientifique apportant précisions et rectifications - article dans Ouest-France en 2017).

Il ne s'agit pas cependant de penser et d'agir pour améliorer nos agricultures françaises par peur de lendemains catastrophiques mais en vue d'un plus grand bien dans les jours à venir : la situation que nous connaissons aujourd'hui est assez alarmante pour se mettre au travail dès maintenant. Voir par exemple à ce sujet "L'atlas de la France toxique" par l'association Robin des bois.


Oeuvrer en étant seulement guidés par la peur, nous conduirait aux pires excès : nous risquerions  de détruire même ce qui aurait besoin d'être renforcé, encouragé, imité ... La peur engendre si vite le soupçon, la méfiance maladive, l'irrationalité la plus crasse, la bêtise insondable ... Elle fait le lit des charlatans qui prétendent rassurer à bon compte en caricaturant la vérité ou en simplifiant outrageusement les problèmes, multiples et divers, rencontrés par des vivants d'une complexité qui défie l'imagination la plus débridée et l'intelligence la plus opiniâtre.


(*) L'affirmation de Jacques Delors en exergue de cette tribune est extraite du livre de Cécile Amar "L'homme qui ne voulait pas être roi". Elle est à nuancer : où est le second poumon ? Il ne faudrait pas oublier le monde citadin qui a pris tant de place en France et qui est devenu, là comme ailleurs, un espace de créativité puissante (voir par exemple : "Villes jardins" un livre sur l'architecture urbaine qui intègre le végétal aux bâtis de façon optimale). Quant à l'âme, il conviendrait de considérer ses diverses composantes : âme gauloise, âme celte, ... , âme romaine, âme grecque, âme païenne, âme chrétienne, ...

Ainsi pourrions-nous dire : "L'un des poumons de la France, son âme gauloise, païenne et chrétienne, ce sont ses territoires ruraux et ses littoraux ... Ils ont été privés d'air et laissés trop seuls par l'Etat, depuis au moins quarante années."

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