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dimanche 11 juillet 2010

France 2022 : L'Europe et la France (2ème partie)

Nous avons abordé la question monétaire et rappelé l'intérêt d'une relance ciblée de la coopération économique en Europe dans une première partie (tribune du 9 mai 2010). Examinons trois autres domaines : la diplomatie, la défense et la religion.
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Après un vingtième siècle marqué si fortement par l'athéisme, la question religieuse intéresse l'homme contemporain : instruit des erreurs du passé, il se demande comment dépasser les conflits qui ont envahi, particulièrement en Europe, l'esprit de quelques-uns puis le champ de la conscience collective. 

L'observation patiente du fonctionnement général des groupes religieux apporte une réponse limpide : ceux-ci naissent et progressent de la même façon que tout groupe humain lié par un ensemble de connaissances. Un voyant, un génie, un être inspiré, ... met en lumière par son travail, ses recherches, ses efforts, ... une connaissance inédite. Ses proches perçoivent dans ses paroles, ses actes et ses attitudes une nouveauté qu'ils acceptent ou rejettent selon leur état d'esprit, leur disposition de coeur et la connaissance qu'ils ont déjà du domaine touché par cette nouveauté. Que vous vous penchiez sur l'histoire des idées depuis la nuit des temps, sur l'histoire des sciences, des arts ou des religions, vous observerez toujours le même mécanisme. Combien de penseurs, de savants, d'artistes et de mystiques ont été d'abord ignorés ou persécutés avant que ne soit reconnue la valeur de leurs apports ? Si tous ne l'ont pas été, on reste frappé par la constance et la violence du rejet ou de l'oubli dont ils ont fait l'objet.
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Quand un groupe humain a reconnu la valeur d'une nouveauté et qu'il choisit d'en vivre, il arrive qu'il soit lui-même persécuté. Les violences qu'il subit sont alors d'autant plus grandes que la nouveauté dérange ceux qui n'y adhèrent pas. Ces violences peuvent durer des années et même des siècles. Prise entre le marxisme et le nazisme - le matérialisme et l'idéalisme exacerbés, ces deux machoires de l'athéisme militant - la communauté juive et plus largement judéo-chrétienne a souffert au XXème siècle un martyre encore plus effroyable que sous l'empire romain. Que l'Europe ait été le foyer principal de cette barbarie n'est pas sans conséquence sur les politiques qui peuvent être menées sur son territoire, à ses frontières et au-delà.
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Les groupes humains, qu'ils soient religieux au sens où ils partagent une même connaissance sur Dieu ou qu'ils soient laïques au sens où ils sont unis par une même science profane, sont à la fois des corps intermédiaires dans chaque nation où ils sont présents et des corps supranationaux puisqu'ils sont le plus souvent implantés dans différents pays. En cela, ils sont semblables aux sociétés commerciales. Tous ces corps qui dépendent à la fois de la puissance d'un Etat pour leur protection et qui en dépassent les frontières quant à leur périmètre ont nécessairement des rapports complexes avec les autorités d'un pays. Ce serait être bien naïf que de s'étonner du surgissement ici et là de conflits, non seulement entre des entités représentatives, mais au sein même de la conscience de quelques-uns. Elargir le champ du politique aux dimensions de l'Europe ne résout pas totalement ces conflits : les dimensions de la communauté juive, de l'Eglise ou de la Umma dépassent encore les frontières de l'Europe.
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Les multiples appartenances d'un citoyen connaissent des tensions et les tentatives pour éviter ces dernières sont aussi nombreuses que les fleurs des champs : on ne compte plus le nombre de philosophies, plus ou moins systématiques, qui ont essayé d'atteindre non la sagesse mais des positions utopiques où l'homme serait libéré de pôles présentés comme asservissants ou simplement gênants. La liberté ne consiste pas pourtant à détruire les corps hérités du passé : la liberté se manifeste dans la quête d'une compréhension fine de l'histoire de ces corps anciens, de leurs raisons d'être et de leurs fonctions. Qu'il faille les transformer, les adapter, les perfectionner ne fait aucun doute mais vouloir détruire avant d'avoir réfléchi et expérimenté n'apporte que désastres et horreurs. La déculottée électorale qu'essuya naguère un homme politique français aura marqué notre époque. Plus attentifs, nous aurions pu y déceler l'annonce d'un changement significatif : ceux qui professent le goût de détruire n'ont aucun avenir en cette période qualifiée parfois de postmodernité. Revenus, pour un temps et espérons-le pour toujours, des solutions nihilistes, nos contemporains n'accordent plus aucun crédit à ceux qui les prônent.
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La chance et la grandeur de l'action politique est d'être en prise directe avec la chair de la société tout en étant fortement influencée par les positions philosophiques. Plus qu'un intellectuel qui se contenterait de disserter sur les causes de malheur et leurs remèdes, le politique expérimenté et pleinement conscient de ses responsabilités se souvient que les ruptures à venir s'inscriront dans une continuité qu'on ne brise pas impunément. Si le combat des idées peut conduire à proférer quelques menaces sur les corps, les institutions, les structures, ... déjà en place, mieux vaudrait pour celui dont la langue a fourché qu'il ne dégaine pas son épée. A trop vouloir trancher les têtes, on en vient à perdre et la mesure et la raison.
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